La presse1 a mis en avant les résultats d’une étude de l’université d’Amsterdam sur la perte de surface d’espaces verts dans notre Région entre 2003 et 2016, mesurée à 14%. Cette étude se base sur des images satellitaires infrarouges. Cette méthode mesure toutes les surfaces verdurisées et plantées telles que visibles du ciel, que ce soient des espaces verts ouverts au public, des friches, des jardins, les couronnes d’arbres isolés, etc. Il s’agit donc des espaces verts au sens larges, et pas seulement ceux qui sont désignés comme zones d’espaces verts dans le PRAS. Plusieurs grands « espaces verts » ayant ainsi disparu, étaient des terrains constructibles qui ont été lotis durant cette période. Au jour où je vous ai écrit cette question, l’étude en question n’était pas encore disponible, et il n’est donc pas possible d’en vérifier la méthode et les résultats. Nous savons déjà qu’elle ne couvre pas l’entièreté du territoire régional. Elle soulève cependant un problème bien réel: celui de la réduction des surfaces couvertes de végétation dans notre Région.

La construction des espaces verdurisés n’est pas prête de s’arrêter, puisque plusieurs projets sont en cours ou dans les cartons, pour n’en citer que quelques-uns: la friche Josaphat, le Donderberg, le bois du site de Mediapark, le carré des chardons, etc. sans parler du grignotage continu lié aux extensions de bâtiments, à la construction d’emplacements de garage dans les zones de recul, etc.

Or ces espaces verts, même s’ils ne sont pas considérés comme tels dans la nomenclature de la planification bruxelloise, remplissent des fonctions essentielles pour l’écosystème urbain: biotopes pour la biodiversité, absorption des eaux de pluies, îlots de fraîcheur, stockage du CO2, etc.

Les espaces verts sont fort valorisés par la population, mais ils sont paradoxalement une fonction dite « faible » de l’aménagement du territoire, car les services qu’ils offrent ne sont pas monétisés, alors que des fonctions fortes, comme la construction, sont-elles, monétisables. Il n’en reste pas moins que les services écosystémiques essentiels qu’ils assurent disparaissent avec eux.

Monsieur le Président, voici mes questions:

• Dans le cadre des analyses planologiques à l’échelle de notre Région, quelles sont actuellement les méthodes utilisées pour mesurer la surface du couvert végétal de notre Région et son évolution au cours du temps?

• De quelle manière les surfaces d’espaces verts au sens large, c’est-à-dire pas seulement les surfaces reprises sous cette dénomination au PRAS, sont-elles prises en compte dans l’analyse des grands projets urbanistiques?

• Perspective a démarré une année de réflexion sur la densification. De quelle manière la diminution des surfaces d’espaces verts au sens large et la réduction concomitante des services systémiques qu’ils assument est-elle prise en compte dans cette réflexion?

• Les analyses planologiques en cours sur les dernières grandes réserves foncières de notre Région intègrent-elles la nécessité de compenser autant que possible les espaces verdurisés perdus par les constructions? En d’autres termes, il y a-t-il des zones qui seront « débétonisées » et revégétalisées dans les grandes réserves foncières restantes (par exemple Schaerbeek formation, l’ancien site de l’OTAN, PAD Herman Debroux, requalification de l’entrée de la E40 ; etc.)?

• Un des indicateurs pour comparer le potentiel écologique d’une parcelle en situation existante et en projet de rénovation ou de construction est le Coefficient de potentiel de Biodiversité par Surface, tel que décrit dans le guide du bâtiment durable. Ce coefficient est-il actuellement pris en compte dans les procédures urbanistiques, par exemple dans les études et rapports d’incidences?

La réponse du Ministre:

Je vous remercie pour votre question qui me permet de mettre en perspective les nombreuses réactions hâtives qui ont suivi la communication de l’étude. En effet, il convient d’abord d’interroger la robustesse méthodologique de l’étude mentionnée et de pouvoir s’en référer aux données techniques qui ont mené à son élaboration. Il faut aujourd’hui nuancer ses résultats.

Il existe différentes méthodes pour estimer la surface du couvert végétal présent dans une zone donnée : images satellitaires, images aériennes, données administratives, relevés de terrain ou une combinaison de ces méthodes. Si l’étude mentionnée se concentre sur les surfaces verdurisées et plantées, elle ne prend cependant pas en compte les surfaces non verdurisées qui assurent également un rôle écosystémique essentiel comme notamment l’absorption des eaux de pluie, les biotopes pour la biodiversité, etc… Par ailleurs, lorsque l’on examine la carte avec attention, on peut se poser des questions quant à la justesse des interprétations des images. La carte met en évidence des zones rouges, là où la végétation a disparu et des zones vertes là où la végétation a augmenté. Ces zones mises en évidence ne sont pas toujours correctes et cela semble lié à la nature même des images utilisées pour faire les comparaisons, citons en exemple l’exemple de saisons différentes qui influencent l’importance de la végétation.

1/ Sur les méthodes d’analyse du couvert végétal et son évolution, nous pouvons dire qu’en 1997, l’ULB a réalisé une cartographie de la superficie de la végétation à partir de données topographiques de l’IGN, de photographies aériennes infrarouge, de données administratives et cadastrales et de relevés de terrain. Selon cette étude, la surface du couvert végétal occupait 53% du territoire bruxellois. En 2010, la VUB a utilisé des images satellitaires à haute résolution pour étudier la couverture végétale. Cette étude a conclu qu’environ 54% du territoire régional était recouvert de végétation, et très inégalement répartie entre la 2e couronne et les quartiers centraux. En 2016, une nouvelle cartographie de la végétation à partir d’images satellitaires haute résolution a conclu à une couverture végétale de 54,8%, ce qui démontre une relative stabilité en termes de couvert végétal.

2/ Sur la prise en compte des espaces verts dans l’analyse des projets urbains, un des concepts clés utilisé en planification urbaine est celui de l’accessibilité des espaces verts au public. Si ce concept est plus étroit que celui de la couverture végétale, il témoigne de la dimension d’utilité publique et de qualité de l’espace public des quartiers. Bruxelles Environnement a publié une carte des espaces verts accessibles au public (2009 et 2012) qui sera mise à jour pour 2021. L’IBSA en a synthétisé les données et conclut à une moyenne de 82% de part de la population vivant à proximité d’un espace vert accessible, avec des disparités énormes, toutefois entre quartiers centraux et périphérie (ex : 20% sur le quartier de Gare de l’Ouest, 100% pour Paduwa à Evere ou Watermael-Boitsfort). Dans nos projets urbains, nous veillons donc à augmenter cette part dans les quartiers denses et à la préserver dans les quartiers déjà très verts. Notons que le concept de réseau écologique est très complémentaire à celui des espaces verts. L’intégration de ce réseau dans la planification urbaine permet de minimiser et de lutter contre la fragmentation des habitats naturels. Le RIE des PAD (et son caractère itératif) constitue le garant de l’intégration des thématiques liées aux espaces verts dans les grands projets urbains. Les plans locaux comme les PPAS analysent également la situation existante de fait et, par exemple, proposent un volet optionnel étudiant les mesures d’amélioration du bilan environnemental du périmètre visé.

3/ Passons à la réflexion initiée par perspective sur la densification, évidemment corrélé au principe indissociable de la « dédensification » : premièrement, une réflexion sur l’accès différencié aux espaces verts, l’intégration des maillages vert/bleu/brun/jaune/noir et une stratégie d’adaptation de la région aux changements climatiques est en cours. Densifier la ville contribue à réduire l’étalement urbain et le mitage des espaces naturels du territoire dans son ensemble. Ensuite, Perspective, Bruxelles Environnement et les partenaires flamands viennent de lancer l’étude « OPEN Brussels : Réseau d’espaces ouverts dans et autour de Bruxelles »  qui a pour objet de déterminer le futur du réseau des espaces ouverts dans et autour de Bruxelles dans le cadre du TOP Noordrand. Une autre étude en cours est « LABO XX-XXI », lancée par Perspective, le BMA et les partenaires flamands qui s’attèlera à réaliser un Atlas et une recherche par le projet sur les territoires de la périphérie bruxelloise et ceux limitrophes de Flandre. Enfin, dans le cadre de Projecting.brussels, la réflexion sur les espaces verts urbains est au cœur de la discussion autour de la densité urbaine en région de Bruxelles-Capitale. Il résulte notamment des tous premiers travaux, les conclusions suivantes :

– Il est essentiel d’associer la forme architecturale et les besoins en espaces verts dans l’objectivation des projets de densification ;
– La densité doit s’analyser non seulement en fonction du bâti mais également en termes d’espaces verts, infrastructures et activités ;
– Il faut travailler sur la diminution des espaces minéralisés et des zones pavées.

4/ Quand à votre sous-question portant sur la dé-bétonisation des grandes réserves foncières, chaque projet de PAD prévoit des espaces publics verdurisés contribuant au maintien et à l’accessibilité de la nature pour tous. Citons quelques exemples. Le projet de PAD « Delta-Herrmann Debroux » comporte un agrandissement des surfaces plantées. De nouveaux parcs sont créés : 2.4 ha sur Demey, 8000 m² sur le Triangle, un pôle d’agriculture urbaine prévu sur les toitures du Triangle, ou encore les talus de chemins de fer, la promenade et l’étang devant la Commission européenne inscrits en zone de parc dans le projet de PAD. Le projet de PAD « Porte de Ninove » prévoit la sanctuarisation de 2.5 ha de parc depuis une zone administrative. Le projet de PAD « Casernes » propose un parc de 2000m². Le projet de PAD « Loi » ambitionne une augmentation des espaces libres à verduriser de l’ordre de trois terrains de football. L’implantation du parc dans le projet de PAD « Gare de l’Ouest » a été réfléchie en fonction du déficit en espaces verts à l’est du site. Il s’inscrit dans une continuité d’espaces verts tout en la rapprochant des quartiers qui en ont le plus besoin. Au total, 3,7 ha d’espaces verts minimum sont obligatoires contre 1 ha d’espace vert seulement imposé dans la ZIR (+ 40%, donc). Idem pour le projet de PAD « Josaphat », tel qu’expliqué dans la réponse précédente, et ses 6.8 ha garantis par le PAD contre 1ha prévu par la ZIR 13. Sur le « PAD Mediapark », 8 ha seront végétalisés sur les 20 ha que représente le site, contre 0.2 ha de superficie minimale réglementaire actuelle.. Le projet de PAD « Midi », en cours d’élaboration, prévoit la création d’un nouveau parc public de 2.5 ha. Le projet de PAD « Maximilien-Vergote », également en cours d’élaboration, entend augmenter la qualité et la superficie du parc Maximilien en transformant certaines emprises de voirie en parc et en réaménageant certaines voiries secondaires locales. Une importante amélioration de la situation existante et visée. La vision pour la zone « Défense » est élaborée en collaboration avec la Région flamande autour d’un vaste parc faisant le lien entre les développements et prévoit une large dé-bétonisation des infrastructures de la défense nationale. L’étude de définition « grande plaine » recommande de préserver les trames paysagères, de valoriser les espaces verts et ouverts, et de mieux relier les sous-ensembles des campus entre eux et avec l’extérieur. Enfin, l’emplacement central du territoire du canal offre l’opportunité de réaliser l’une des ambitions principales du Plan Nature bruxellois, à savoir renforcer la présence de la nature jusqu’au cœur de la ville.  C’est l’ambition du Beeldkwaliteitsplan.

5/ J’en terminerai avec votre question sur l’indice CBS : l’outil est intéressant pour construire et évaluer un projet. Il a été utilisé dans le RIE de nombreux projets de PAD et est explicitement référencé dans certains volets stratégiques. Il est par contre peu intéressant de l’imposer comme une norme. Il a été décidé avec Bruxelles Environnement de ne pas intégrer les principes du CBS dans les volets réglementaires des projets de PAD pour permettre à l’outil CBS d’évoluer sans devoir actualiser à chaque fois le PAD. À noter qu’une des recommandations du BKP pour renforcer les réseaux écologiques du canal est d’utiliser le CBS comme outil d’évaluation de la valeur écologique des aménagements des parcelles publiques et privées.

En conclusion, au-delà de l’équilibre que nous tâchons systématiquement d’atteindre dans chaque pôle entre densité et espaces ouverts, et au-delà de toutes les mesures qui peuvent être prises dans chaque PAD sur les aspects environnementaux comme le recours systématique à be.sustainable, il faut rappeler que la surface couverte par les PAD ne représente que 20% du territoire bruxellois. Or, c’est bien l’ensemble du territoire qui doit être mobilisé et c’est dans cette réflexion plus large qu’il convient de situer nos travaux sur le tissu de la deuxième couronne bruxelloise, appelé à se montrer solidaire du tissu central, sur la dédensification de ce tissu central, sur les espaces ouverts à l’échelle métropolitaine, sur les parcs métropolitains appelés à être aménagés dans le territoire nord ou sur le site de la défense.